Sonnets érotiques
Manuscrits (1889-1891)
Auteur : Pierre Louÿs
Mots-clés : Masturbation | Sodomie
Pierre Louÿs, La femme, Poèmes érotiques manuscrits rédigés entre 1889 et 1891.
Ex libris, nequam scriptorisHis libellus, o clitoris,Ad limen te mittat oris.Madame, vois l’ex-librisD’un auteur français, qui peut-êtreA mouillé votre clitorisPlus d’une fois sans vous connaître.
L’ORCHIDÉEUne fleur a mangé ton ventre jusqu’au fondSa tige se prolonge en dard sous les entraillesFouille la chair de sa racine et tu tressaillesQuand aux sursauts du coeur tu l’entends qui répondC’est une fleur étrange et rare, une orchidéeMystérieuse, à peine encore en floraisonMa bouche l’a connue et j’ai conçu l’idéeD’asservir sous ses lois l’orgueil de ma raison.C’est pourquoi, de ta fleur de chair endolorie,Je veux faire un lys pur pour la Vierge MarieDamasquiné d’or rouge et d’ivoire éclatant,Corolle de rubis comme une fleur d’étoileChair de vierge fouettée avec des flots de sangTa Vulve rouge et blanche et toute liliale.2 juillet.
I. LES POILSUn rayon du soleil levant caresse et doreSa chair marmoréenne et les poils flavescentsÔ que vous énervez mes doigts adolescentsGrands poils blonds qui vibrez dans un frisson d’aurore.Quand son corps fatigué fait fléchir les coussinsLa touffe délicate éclaire sa peau blancheEt je crois voir briller d’une clarté moins francheSous des cheveux moins blonds la chasteté des seins,Et sous des cils moins longs les yeux dans leur cernure.Car ses poils ont grandi dans leur odeur impureLa mousse en est légère et faite d’or vivantEt j’y vois les reflets du crépuscule jaune ;Aussi je veux prier en silence devantComme une Byzantine aux pieds d’un saint icône.24 mars 90.
II. LES POILSQuand j’énerve mes doigts dans vos épaisseurs clairesGrands poils blonds, agités d’un frisson lumineux,Je crois vivre géante, aux âges fabuleuxEt broyer sous mes mains les forêts quaternaires.Quand ma langue vous noue à l’entour de mes dentsUne autre nostalgie obsède mes narines :Je crois boire l’odeur qu’ont les algues marinesEt mâcher des varechs sous les rochers ardents.Mais mes yeux grands ouverts ont mieux vu qui j’adore :C’est un peu d’océan dans un frisson d’aurore,La mousse d’une lame, un embrun d’or vivant,Flocon vague oublié par la main vénéréeQui façonna d’écume et de soleil levantTa peau blanche et ton corps splendide, Cythérée !26 mars 90.
III. LE MONT DE VÉNUSSous la fauve toison dressée en auréoleÀ la base du ventre obscène et triomphant,Le Mont de Vénus, pur ainsi qu’un front d’enfant,Brille paisiblement dans sa blancheur créole.J’ose à peine le voir et l’effleurer du doigt ;Sa pulpe a la douceur des paupières baisséesSa pieuse clarté sublime les penséesEt sanctifie au coeur ce que la chair y voit.Ne t’étonne pas si ma pudeur m’empêcheDe ternir l’épiderme exquis de cette pêche,Si j’ai peur, si je veux l’adorer simplementEt, penché peu à peu dans les cuisses ouvertes,Baiser ton Vénusberg comme un saint sacrementTel que Tannhäuser baisant les branches vertes.25 mars 90.
IV. LES NYMPHESOui, des lèvres aussi, des lèvres savoureusesMais d’une chair plus tendre et plus fragile encorDes rêves de chair rose à l’ombre des poils d’orQui palpitent légers sous les mains amoureuses.Des fleurs aussi, des fleurs molles, des fleurs de nuit,Pétales délicats alourdis de roséeQui fléchissent, pliés sur la fleur épuisée,Et pleurent le désir, goutte à goutte, sans bruit.Ô lèvres, versez-moi les divines salivesLa volupté du sang, la chaleur des gencivesEt les frémissements enflammés du baiserÔ fleurs troublantes, fleurs mystiques, fleurs divines,Balancez vers mon coeur sans jamais l’apaiser,L’encens mystérieux des senteurs féminines.25 mars 90.
V. LE CLITORISBlotti sous la tiédeur des nymphes repliéesComme un pistil de chair dans un lys douloureuxLe Clitoris, corail vivant, coeur ténébreux,Frémit au souvenir des bouches oubliées.Toute la Femme vibre et se concentre en luiC’est la source du rut sous les doigts de la viergeC’est le pôle éternel où le désir convergeLe paradis du spasme et le Coeur de la Nuit.Ce qu’il murmure aux flancs, toutes les chairs l’entendentÀ ses moindres frissons les mamelles se tendentEt ses battements sourds mettent le corps en feu.Ô Clitoris, rubis mystérieux qui bougesLuisant comme un bijou sur le torse d’un dieuDresse-toi, noir de sang, devant les bouches rouges !2 juillet.
VI. L’HYMENVierge, c’est le témoin de ta virginitéC’est le rempart du temple intérieur, ô Sainte !C’est le pur chevalier défenseur de l’enceinteOù le culte du Coeur se donne à la BeautéNul phallus n’a froissé la voussure velueDu portail triomphal par où l’on entre en DieuNul homme n’a connu ton étreinte de feuEt le rut a laissé ta pudeur impollue.Mais ton hymen se meurt, ses bords se sont usésÀ force, nuit et jour, d’y boire des baisersAvec l’acharnement de la langue farouche.Et quelque jour, heurtant le voile exténué,Le membre furieux dardé hors de ma boucheLe déchiquettera comme un mouchoir troué.comm. en octobre 9021 février 91.
MAIN DE BRANLÉELes doigts longs et libidineux sont toujours rancesD’avoir trempé dans le vagin sanguinolentD’où sort, avec l’odeur écoeurante, un relentD’outrages gras, et de spasmodiques souffrances.Sous les ongles mangés s’épatent les bouts rondsDes doigts, qui meurtriraient les fragiles muqueusesEt l’on pense à les voir de pubertés visqueusesEt de vierges en rut fourrageant leurs girons.Seul, un ongle érecteur du clitoris se dresse…Ô mains, d’où semble fuir un geste de caresseCharmes blancs précurseurs de mon membre virilMains qui faites l’amour aux petites branléesJe chérirai sur votre galbe puérilLa trace et le parfum des blancheurs écoulées.comm. le 12 avril25 février 91.
SEIN DE BRANLÉELe pauvre sein qu’elle a branlé d’un air distraitS’avachit jusqu’à la ceinture. La tétinePend comme le pis blanc d’une chèvre qu’on traitDu bout des doigts, où le dard brun se ratatine.Sa rondeur s’est raidie entre les doigts baveux.Un afflux lourd de sang a gonflé sa chair grasseEt la chatouille exquise et fine des cheveuxA soulevé les seins vers la bouche vorace.Mais au jour, après tous les spasmes assouvis,Quand le sein tombe avec les vulves et les vitsUn haut-le-coeur descend des mamelles branlées.La jeune peau se fane en blanc, et le tétinIncapable d’essor au haut des chairs trembléesS’allonge et maigrit comme un pénis enfantin.4 février 91.
VULVE BLONDEBien qu’elle ait une peau très brune, et que son culSoit énorme, et que sa lourde mamelle tombe,Elle épate en blason déchiré sur l’écuUn grand con d’or triangulaire qui surplombe.Dans les cuisses de chair reluisante, la fleurDélicate, se creuse avec des airs de rose.Une odeur de printemps et de grande chaleurY perle, avec la jouissance qui l’arrose.Le soleil, dispersé par des reflets errants,Circule, à travers les buissons exubérantsQui mitrent de métal fragile le stigmate ;Le clitoris attend les ongles adorésEt sous l’ombre des doigts qui zèbre la chair mateS’ouvre la rose blonde entre les poils dorés.4-5 avril 91.
LA SENTEUR DES BRASEntre tes bras jetés sur mes épaules nues,Chère ! je sens monter des odeurs si connuesDes arômes si blonds, des parfums si légers…Ô le vol sidéral sur les bois d’orangers !La sueur qui vient poindre où ton coude se plisseComme un gel de nectar à la chair d’un caliceFleure dans un enchaînement rieur et fouDeux lys longs et câlins mis autour de mon cou.Aussi quand loin des lits heureux où tu me liesMon nostalgique amour rêve aux nuits aboliesC’est l’odeur de tes bras qui m’enlace et m’étreint.Et dès qu’un souvenir de leur parfum lointainRevient errer encor dans mon âme touchée,Je vois dans un éclair toute ta chair couchée.term. le 14 janvier 91.
LA SENTEUR DES REINSQuand tu dors à plat ventre et tes yeux sur tes mainsJe relève ta chevelure de sorcièreQui voile, comme un bois funèbre les chemins,Ton corps de boue obscène et de basse poussière.Au fond des reins creusés en selle pour SatanLa rainure de tes vertèbres se prolongeC’est là que lasse d’être, et d’avoir souffert tant,Ma face, avec une fureur farouche, plonge.Oh ! quelle odeur de chair et de rut convulsifCroupit au creux des reins sous qui ronfle le spermeMa bouche sur tes os postérieurs se ferme,Et je froisse à ta peau mon visage lascifQui hume en râlant comme un éphèbe impubèreÔ femme ! l’âcreté de ton odeur lombaire !6 février 91.
LE LAITPuisque je suis ton enfant tout débile, et queTu berces dans tes bras consolateurs ma peineTu seras si bonne que me sourire, et queGuider ma faible bouche à ta poitrine pleine.Mes lèvres où frissonne un vagissement froidPlainte dispersée au vent puéril de rireS’empliront de ton mamelon noir sans effroiGloutonne que sa chair rugueuse les attire.Dans tes bras, toujours dans tes bras clos, j’afflueraiLe lait par qui surgit le doux globe azuré,Le lait tiède, où subsiste une odeur animaleDe femme ; et comme un prêtre en prière aux lieux saintsJe boirai ton sang d’ombre avec ta chair d’étoileSous l’espèce du lait consacré dans tes seins.3 mars 91.
LE LAVEMENT DES SEINSQui lavera vos seins magnifiques, maîtresse ?Quelle main lascive épongera leur splendeurD’un geste délicat, lent comme une caresseÀ les faire exulter de joie et d’impudeur ?Quel lait de quelle biche qui ne les salisse ?Quelle douceur de doigt qui ne heurte leur grainSera-ce votre lait, ô chère ? et votre main,Qui laveront ce soir leur virginité lisse ?Lavez-les bien, vos seins ; lavez-les, vos seins blancsPromenez vos doigts fins sur leurs globes tremblantsEt pénétrez-les d’éblouissante lumièreAfin qu’en vos cheveux dont la noirceur reluitIls brillent dans leur sérénité coutumière,Lunes de clarté nue au torse de la Nuit.27 octobre 90.
LE BAISER SUR LA JOUELaisse-moi, comme un peu ton frère, te baiserSur la joue, ô Savante implacable et moqueuse.Cache ton sexe avec tes mains de BelliqueuseEt que veuillent tes seins d’orage s’apaiser.Ma lèvre, voyageuse de ta chair, se lasseD’errer sur toi durant les heures… Il est tempsQue je m’endorme et rêve entre tes bras contentsDont la nonchalance à ma nudité s’enlace.Laisse en toute pitié que pose ton amantSa bouche sur ta joue imprévue, en dormantFraternel et gisant contre toi sans un geste.Et ces lèvres seront si franches, que sur nousS’attendrira comme un obscur parfum d’inceste,Et que, honteuse, tu fermeras tes genoux.25 février 91.
LE BAISER SOUS L’AISSELLEPlonger, quand ton aisselle est en sueur, ma boucheSous ton bras tiède et mou, dans les poils bruns et finsEt là, gaver à pleines dents toutes mes faimsDu beau corps savoureux sur qui mon corps se couche.Ah ! le rêve réalisé ! — Ma langue est là,Dardée à la naissance odorante des touffesEt ma bouche à baiser pleurant que tu l’étouffesLisse aux lèvres les poils que la langue emmêla.De longs frissonnements te courent, ô peureuse !Sous la caresse ta haute aisselle se creuseEt tremble ta mamelle où j’ai les doigts crispés,Quand je puise, abrité par ton bras, ô clémente !Dans la coupe de peau nubile aux bords jaspésOù l’âcre vin de la chair en chaleur fermente.26 mars 91.
LE BAISER SUR LES SEINSAprès les grands efforts, quand les doigts apaisésTremblent encore un peu comme au frisson des fièvresC’est la chaleur des seins qui tente les baisersLa gorge maternelle est douce aux faibles lèvresSous la Victorieuse au torse triomphantQui lui châtra la Jouissance et la pensée,L’homme se fait câlin comme un petit enfantEt sur les seins cléments met sa bouche lasséeMais il ne tente plus comme au cours du combatDe mordre méchamment les chairs endoloriesEt d’arracher du lait aux mamelles tariesNon. Il écoute nonchalant le coeur qui bat —Laisse dormir sa joue entre les seins —, et toucheLa chair souple qui roule et cède sous la bouche.895-8 novembre 90corr. le 3 mars 91.
LE BAISER ENTRE LES JAMBESTout près du sexe qui fleurit dans les poils rosesIl est pour les amants une place à baisers.C’est là que rêvent les visages épuisésEt que la cuisse est tendre aux sourires moroses.Nul duvet, si léger qu’il soit, n’y vient ravirL’extase de la lèvre à la peau qui frissonneEt la chair fraîche y peut lentement assouvirLe cruel amoureux qu’un charme passionne.Plus douce que la joue et pure que les seins,La cuisse est là si blanche au milieu des coussinsQue la bouche y promène en souriant sa grâce,Et cherche à ranimer sous les baisers voilésLa trace et le parfum des spermes écoulésSur le grain d’une peau voluptueuse et grasse.6 février 91.
LE DOIGT DANS LE VAGINOuvre ta chair ; je sais la mort de l’impuissance.Au bout du bras coulé dans les aines, serpent,Mon doigt peut t’enfiler tant que ma verge pendEt soûler ton désir rageur de jouissance.Le sens-tu, comme il entre avec une chaleur,Et se promène et te caresse toute rougeTandis que ton grand corps se contracte, et que bougeLe clitoris extasié par la douleur.II s’enfonce, mon doigt pénétrant, il te perce.Ton vagin vorace et vallonné qui s’exerce,Intarissablement liquide autour de lui,Tête et gargouille, bouche encore puérile,Et trompe avec mon doigt consolateur l’ennuiDe la trêve imposée à la vigueur virile.30 avril 91.
LA MASTURBATION ENTRE LES SEINSMon long priape qui pantelait contre moiS’érupe et bat, fouetté de sang par une envieFurieuse de chair humide… Ah ! couche-toi !Mais clos ton sexe comme une bouche assouvie.C’est de l’étreinte des mamelles qu’il est fou.À cheval sur l’arc blanc du torse qui se cambreJ’allonge entre les seins jusqu’aux douceurs du cou,Entre les caressants et flasques seins, mon membre.Il disparaît sous les replis exubérantsQue serrent, traversés par des frissons errants,Les paumes de tes mains aux doigts dressés. Il bouge,Et le filet s’irrite au sternum, et le glandBraqué, cingle ta face avec le jet brûlantQui pleure de ta joue en flot strié de rouge.26 mars 91.
AUX CHEVEUXDonne, maîtresse, tes cheveux couleur de flammePrends une mèche entre tes doigts efféminésEt pour le spasme aigu au coeur de l’âmeApprends le rituel des baisers condamnés.Tu cerneras mon gland dans tes cheveux de soieComme un casque de pourpre au cimier lourd de crins,Et tu feras sourire en mon âme la joieDe m’envirginiser loin des coeurs utérins.Car dans l’étreinte délicate de la boucleFonceront sur mon gland des rugueurs d’escarboucle,Feux d’ombre, attisés par les sursauts nerveuxEt si tes rayons blonds, ta mèche d’or, maîtresse,Précipite ardemment la subtile caresse,De longs jets pâles pisseront sur tes cheveux.22 novembre 90.
LE CROISEMENT DES JAMBESAh ! dans mes jambes… ah ! dans mes jambes qui bandentComme l’étau d’un double phallus sous mon ventreDans mes jambes ta cuisse, ta cuisse en rut, entreMes jambes, entre mes jambes qui se bandent.Ta cuisse a chaud… Tu me brûles. Ta cuisse trembleEt jouit, je sens qu’elle jouit, ta… ta cuisse,Qu’elle bande, je voudrais que, qu’elle jouisseEt les miennes, et qu’elles déchargent ensemble.Mes mains, sous ton genou par-derrière… oh ! serrantesEn levier ta cuisse dans mes fesses errantesComme des lèvres qui baisent, et qui masturbentTa rotule, et qui masturbent toute ta jambeEt s’affolent, et se désespèrent de stupreSans pouvoir téter du sperme hors de ta jambe.4 février 91.
EN LEVRETTEIl me plaît que ce soir, pour te faire un enfant,Je te saillisse par-derrière et que tu prennesÀ genoux la posture ignoble des chiennesSous mon ventre de Mâle obscène et triomphant.La glace qui s’étend près des draps et m’obsède,Réfléchira l’accouplement nu de nos corpsEt je me courberai sur ta croupe en dehors,Comme Zeus amoureux, penché sur Ganymède.Car tu seras, malgré tes longs cheveux de blé,L’illusoire abandon d’un éphèbe enculéDont le rectum s’avive aux chaleurs de la vergeEt mes doigts, en pressant les poires de tes seins,Évoqueront un androgyne aux yeux malsainsJouissant avec des virulences de vierge.4 février 91.
LA SODOMIE PAR-DERRIÈREParce que strictement de par le double ferLe deuil bref aplani d’aspect viril se dresse,Parce que, sur ta fleur où vit l’ardeur d’ArèsUne ombre en linéaments rares se profère,Et qu’aussi la stature et le geste d’avoirComme encore si peu d’aurore émaciée,Disent à Celui-là l’imaginaire acierDont la garde s’efflore en jeune dieu d’ivoire,Il me plaît, comme aussi l’opposé, conquérirLe caprice animal d’attendre et de sourireOù subjugue une intervertie aux doigts rétifs,Le héros, grave de sa fureur qui s’ennuie,En navrant, symétrique et protecteur, la nuitCyclopéenne au fond des parts respectives.18 février 91.
LA FEMME QUI DANSEElle danse, elle est nue, elle est jeune. Ses flancsOndulent avec un déhanchement farouche ;Mais le sourire fait une fleur de sa boucheSous le regard languide entre les cils tremblants.Ses doigts caressent vers des lèvres ignoréesLe galbe blanc, la chaleur douce de ses seinsEt son battement d’aile invite les essaimsDes baisers, à l’abri des aisselles doréesPuis la taille ployée à la renverse tendLe pur ventre, gonflé d’un souffle intermittent ;Et, sur l’arachnéen fourreau noir de sa robe,Ses bras tourneurs au rythme lent des luths divinsCherchent l’imaginaire amant qui se dérobeEt le veulent séduire avec des gestes vains.26 février et 2 mars 91.
LA FEMME QUI SE CARESSECouchée à travers le divan, les pieds par terreEt sa touffe de poils bouffant en flots légersElle caresse avec des gestes allongésSon corps chaud que nul vin viril ne désaltère.Elle s’aime, occupée à d’éternels loisirsÀ l’ombre des tentures et des palmes vertes.Ses doigts efféminés par les mauvais désirsRôdent luxurieux autour des chairs ouvertesIls savent, en errant sur le ventre, creuserDans la peau la marque amoureuse d’un baiserQu’aurait donné la bouche idéale d’un homme.Ils savent effleurer les hanches doucementEt mouler à la peau des seins leurs palmes, commeUn corps souple de femme sur un corps d’amant.17 avril 91.
GOUGNOTTE FEMELLEFaible comme un éphèbe après la sodomiePâle comme une amoureuse de funambuleElle cède au désir sans conciliabuleEt dans les bras se laisse aller comme endormie.Elle a distraitement des gestes d’ingénue.Comment peut-elle aimer ? Elle n’est point nubile.Sur les draps allongés elle reste immobile,Les yeux clos et les doigts posés sur sa peau nue.Oh ! les yeux violets cerclés d’ombre traînée…Ces cheveux, voile blond pour un vague hyménée…Tout le corps enfantin de fille vicieuseS’étale, comme un lit d’impudeur dépravéeOù l’amante virile à ses genoux lovéeVautrera lentement sa chair silencieuse.6-8 novembre 90.
LES SOEURS INCESTUEUSESLes mêmes cheveux bruns emmêlés et la mêmeBouche, et les mêmes yeux châtains, ce sont deux soeurs.Au fond des longs draps glacés, leurs ventres suceursSe cherchent, et les baisers chuchotent : Je t’aime.Les mains suivent les flancs marqués par le corset,Creusent les reins, se crispent aux fesses, reviennentAux épaules, dont les danseuses se souviennent,Puis aux seins qu’un busc obscène et cruel corsait.Le regard fureteur le long du corps s’occupeÀ connaître la peau honteuse que la jupeCache le jour, comme un ciboire sous le lin,Et ces deux corps, issus d’un même corps de mère,S’unissent avec un enlacement câlin,Par leurs sexes brûlants, frangés d’écume amère.30 avril-1er mai 91.
LES CHATOUILLESSursum corda ! Debout, les seins ! Haut les coeurs blancs !Les doigts sont délicats autour des aréoles.La poitrine fleurie a crevé ses corollesEt des frissons d’amour courent le long des flancs.Comme un ciel gonflé sous des rumeurs d’arbreLe sein vaste a pâli sous les veines de sangEt le mamelon chaud se dresse rougissantSur une dureté lumineuse de marbre.Oh ! la démangeaison des seins ! Oh ! lentementLes chatouilles au bout des ongles s’allumantAvec les feux du rut dans la nuit des prunelles…Et la chair croit sentir deux poignards assassinsEntrer, mouillés encor des vulves éternellesDans la rigidité douloureuse des seins.8 novembre 90.
L’ENFOURCHEMENTC’est l’enfourchement blanc des femmes affoléesFourches pour Satan, fourches de charnel métalTête au chevet, tête au pied, couple horizontalDroit comme un battant de cloche à toutes volées.Et s’emboîtent les jambes avec rage, et lesCuisses étreignent les ventres et les derrièresEt les rotules ont des fureurs meurtrièresAux seins, et les pieds sont dans les cheveux foulés.Les bouches crient, et les cons s’étranglent de baveLa fièvre aux extrémités des doigts se dépraveLa nuque s’extasie aux fraîcheurs des pieds nusEt les vierges, tandis que les suçoirs vulvairesFont pleuvoir au vagin tout le sang des ovaires,Affrontent douloureusement leurs sexes nus.4 février 91.
LA BOUCHE À LA VULVEÀ cheval par-dessus ton visage, ô bandante ?Pour que tu puisses voir ma verge et mon anusJe plongerai dans la blessure de VénusMa langue impétueuse et ma bouche abondanteJe trouerai dans les poils le baiser rubicondDes grandes lèvres, sur qui frémiront mes lèvresEt comme un dard de bouc à la vulve des chèvresLe membre de ma gueule enfilera ton con.Et tu hurleras, tu pleureras sous la brûlureMais l’emportement sauvage de mon allureTremblera jusqu’au fond par bonds interrompusEt fou d’avoir léché la fente vaginaleJe boirai sur le spasme de ses bords lippusLes flueurs témoignant de ta joie infernale.3 avril 91.
FELLATRICESLes cheveux ont pleuré sur les mamelles tristesMais les ventres ont ri silencieusementProfonds et grands ouverts sans un tressaillementComme des fourreaux noirs constellés d’améthystes.Les bouches ont pleuré sur la douleur des seinsMais les longs yeux ont ri d’un mystérieux rireEt les bouches en pleurs guérirent leur martyreAu rire chaud des ventres sur les grands coussins.Or, quand les ventres sur les bouches brûlantesEurent pleuré le flot sanglant des larmes lentesOn sécha leur tristesse au deuil des lourds cheveux.Mais les bouches riaient dans les larmes aiméesEt baisaient l’une l’autre avec de lents aveuxLa saveur de la chair sur leurs lèvres charmées.PENSIONNAIRES
LE LEVER Hors du lit ! sans pitié des pauvres endormiesSans pitié des yeux las, des mains ouvertes, desPetits ventres béants sur les draps inondésSeul vestige attestant la lutte des amies.En chemise et les cheveux dénoués, assisesAu bord du matelas, les pieds ballants et nus,Elles ont pour les soeurs des gestes convenusMais l’une pour l’autre des poses indécisesCar ils gardent l’éclair des ivresses nocturnesCes yeux d’enfants, entre ces femmes taciturnesEt les bras sont encor marqués d’avoir étreintEt la courbe à genoux pour chanter la prièreDivulgue le stigmate indélébile empreintPar un baiser rougi sur la peau du derrière.4 avril 91.
COUTURIÈRESous la planche de fer ses jambes semblent moudreElles se croisent, vont, viennent, en haut, en basEt scandent pied à pied, d’un geste faible et lasLe mouvement rythmé de la machine à coudreMais les cuisses à nu se frôlent ardemmentLe clitoris s’éveille et s’excite et raiditC’est encor le désir de baiser qui granditLa rage d’être jeune et chaude sans amant.Ô joie ! au frottement la vulve s’exaspère ;La masturbation clandestine s’opère ;Dans l’atelier causeur personne n’en sait rienEt l’étau convulsif des cuisses oppriméesFait jaillir au hasard dans les jupes ferméesLe pâle écoulement du flot vénérien.3 novembre 90.
CELLE D ’AIX-LES-BAINSSa tête délicate et ses hanches pesantesFaisaient un contresens adorable et lascif.Elle avait la peau brune, et son ventre massifPendait, sur l’épaisseur des cuisses reluisantes.Ses bras souples étaient plus mûrs et plus tentantsSes tétons fleurissaient de noires aréolesJe moulais ma verge à ses aines de créoleEt son vagin mouillé brûlait mes doigts contentsJe vois encor ses yeux cernés, ses jambes lasses,Sa vulve accoutumée au mouvement des passesQui s’accouplait sans joie et baisait en dormant ;Je sens ses cuisses sur ma jambe lourdement,Contre mes flancs tout nus ses hanches toutes nues,Et puis — oh ! sous mes dents ces lèvres si charnues !Toussaint 90.
Puisque tes yeux veulent mourirComme des reflets d’obsidienneQuand tu sens mes ongles courirSur ta rougeur clitoridienne ;Puisqu’au furtif chatouillementAutour des mamelles doréesTu jouis douloureusementAvec des plaintes effaréesPermets que j’aie aussi mon lotDu rut lascif que ton goulotPerdrait en vain sur les draps tièdesEt que ma verge peu à peuMoule ardemment la chair de feuDu vagin sur ses formes raidies.16 mars 91.
Les yeux sont moins purs que les seins ;Plus que les bras les dents sont blanchesMais quelles chairs sinon les hanchesSont lascives sur les coussinsLe réseau de leurs bleus dessinsStriés en veines de pervenchesContient leur chaleur que tu penchesProvocante des chers desseins.Mais elles sont, ô douce amie,Les valves d’une huître endormieOù des perles rares se fontEt mon pâle amour lorsqu’il entreCristallise peut-être au fondEn colliers autour de ton ventre.corr. le 2 mars10 janvier 91.
Viens, blanche sur le divan rouge, viens baiser.Tes pieds se crispent à la sanglante pelucheTa vulve d’ambre sera la petite rucheOù le miel de ma mentule ira s’épuiserTu cambres les reins ! Cochonne ! Ah ! tu tends le ventre !Tu veux la douleur profonde et l’humiditéBrûlante du lent coït qui n’a pas jutéMais qui remonte et s’enfonce, qui sort et rentre.Me voici donc. Le divan sourd criera sous nousÉtreins mes reins dans l’étau fort de tes genouxAccueille en toi mon pénis libidineux, chère,Et ce sera quelque étreinte à devenir fouEt ma pine en rut brûlant comme une torchèreGrossira tant que fendre les bords du trou.20 février 91.
J’aurais voulu t’avoir quand tu n’étais pas femmeSeule devant mes yeux, par une chaleur d’août,Pour te souffler tout bas quelque parole infâmeQui t’aurait fait rougir de honte et de dégoût.À toi, naïve encor, je t’aurais appris toutPuis j’aurais défloré ton corps après ton âmeJe t’aurais enseigné comme le coeur se pâmeJe t’aurais violée au pied du mur, debout,Et depuis ce jour-là je t’aurais vue erranteEt furtive, cachant ta grossesse apparentePromenant au hasard un regard incertain,Et pour te mettre en rage après t’avoir courueJ’aurais baisé chez toi quelque jeune putainRamassée en plein vent n’importe où dans la rue.
ACROSTICHE SAPHIQUED ans le lit maculé de foutre et de saliveE ve nue en chaleur et le ventre écumantU nit sa belle bouche au con de son amantX avière aux poils crépus sur une chair oliveG randes, plongeant la tête au gouffre des genoux,O qu’elles font un couple atroce de femellesU n couple oroventral bandant jusqu’aux mamellesG avé de foutre clair et plein d’horreur pour nousN ous les aimons pourtant, les gougnottes chériesO uvrant leurs bouches d’ombre et leurs vulves fleuriesT rous d’amour destinés à nos membres virilsT out leur être nous a des grâces embrouilléesE t nous aimons, avec des gestes puérils,S entir l’odeur des cons sur leurs bouches mouillées.De Bayreuth à Eisenach, 13 août 91.(Écrit en chemin de fer.)
PRIÈREÔ Sainte aimée, Ô ma patronne, Ô ma maîtresse,Étoile de la mer, Étoile du matin,Sois adorée encore, ainsi qu’au jour lointainOù ta Vulve reçut ma première caresse.En te voyant si blanche un soir que tu dormaisJ’ai senti qu’envers toi l’amour est une insulteJe n’ose plus t’aimer, je veux te rendre un culteEt chanter mes baisers sans les clore jamais.Sur l’autel du Lit, ouvre donc tes lèvres peintesEt je brûlerai l’encens qu’on brûle aux SaintesÔ Pure, ô Vicieuse, et tandis que tu dorsLaissant mes cheveux chauds errer sur ta peauJ’irai m’accroupir nue à l’ombre de ton corpsComme une Byzantine aux pieds d’une sainte icône.2 juillet.
ÉLÉVATIONDans le mystique amour de ta vulve,Je deviens grave et religieux.Mon front se courbe et mes doigts s’unissentDans le mystique amour de tes yeux.Ta vulve est là, dans sa chair de bronze,Jetant des feux dans l’ombre du soir :Ors byzantins gemmés d’escarboucles.Ta vulve est là, comme un ostensoir.Tes yeux sont là, qui m’ont rendu lâche.Astres d’amour et d’impureté,Lueurs des nuits chaudes et bleuâtres,Tes yeux sont là comme un ciel d’été.Et je me dis, voyant sous un nimbeTa vulve d’or monter vers les yeux…Je ne sais rien du prêtre invisible,Mais je me dis : Ce sont les vrais dieux !22 mars 90
LA VERMINEPour la crasse écaillée entre tes jambes maigresPour la touffe crépie et sèche qui pourritDans les démangeaisons, l’herpès et le pruritFendillée au pubis parmi les jutes aigresComme un pied de lichen près d’un ruisseau tariPour la crevasse, haute, étroite et contournéeImmonde bâillement du ventre tortueuxQui suinte, cicatrice ouverte au périnéeD’un coup de baïonnette obscène et monstrueuxJe veux donner — ô femme écoute bien ! — je donneMa verge au gland gonflé comme un coeur de madone,Faite pour décharger sur des lèvres d’enfantEt je veux, dans la nuit nerveuse de l’alcôve,Sentir, en t’écrasant sous mon corps triomphant,Les morpions crochus grouiller sur ta peau fauve.septembre 90.
Si vous n’avez pas peur d’aimerLaissez-vous baiser sur la boucheLaissez mes lèvres se fermerSur votre chair franche et farouche.Si vous comprenez mes desseinsLaissez-vous baiser, ô timide !Sur vos épaules, sur vos seinsLaissez errer ma bouche humide.Et si vous êtes chaste, enfant,Laissez-moi plonger par secousseMon doux visage triomphantDans l’or tissé de votre mousseOù fleurit comme un pistil chaudLe clitoris dont il me chaut.24 mai 91.
L’Œuvre libertine des poètes du XIXe siècle
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Poème érotique (1904)
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Sapho de Lesbos
Préface de Redarez Saint-Rémy (1852)
Louis Protat
À l’effet d’obtenir son diplôme de putain et admise au bordel de Mme Lebrun
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Le Bestiaire d’Eros (2)